Ton tort... ...c'est de t'être inscrit à cette course. Je repense à cette vanne d'Arclusaz sur notre petit groupe WA de suivi, avant la course. J'y pense en haut de Miramar, le lieu qui n'existe pas sur les cartes, sauf que si tu parles de "Ihizelai" en le prononçant mal, à un local, il te regardera avec de grands yeux puis te dira "aaah , tu parles de Miramar". J'y pense, donc, avant de digresser comme toujours, en y passant dans une tempête où j'ai l'impression de me retrouver à la Swisspeaks 2017 en haut de Susanfe, alors que je reculais en descendant, face au vent...et que je prenais gamelle sur gamelle sur une boue noirâtre dans un vague plat descendait débonnaire. Mon tort... Eh oui, le moment sur une course où tu te demandes franchement ce que tu fous là, à faire le con en prenant des paquets de mer dans la tronche, sauf que t'es pas Tabarly sur Pen Duick VI (les M5, on a les références qu'on peut, hein!). Mon tort... de ne pas avoir une veste de pluie à 300000 schmerbers et d'avoir laissé les crampons glaciaires à leur place, à la montagne, vu que je venais juste faire une ballade sur les sommets (tontors) basques. Mon tort... d'être reparti de ce ravito de Trabenia où on voyait pourtant très bien qu'on allait en prendre plein la tronche sur les 20 derniers kilomètres. Mon tort... de faire ce sport à la con alors que je pourrais être au chaud tranquillement en train de regarder les Bleus mettre la peignée du siècle aux Angliches. Mon tort... de m'être senti obligé de revenir faire cette course idiote où on te fait faire 12 kilomètres pour ce qui en fait 4 à vol d'oiseau en te faisant monter sur à peu près toutes les chieries de putain de sa mère de tontors de merde qu'il y a en route. Mon tort... de ne pas avoir écouté la traduction basque du briefing où après avoir expliqué en français qu'on allait faire une jolie ballade sur les verdoyants sommets de ce beau Pays Basque, le speaker a dit en basque qu'on allait quand même en chier grave et que ça le faisait rigoler d'avance de voir les parisiens faire du ski en haut de Miramar. Mon tort, surtout... de dire des horreurs sur cette course géniale organisée par une équipe super sympathique, balisée parfaitement (bon, sauf peut-être quand on est de nuit en train de prendre l'Océan Atlantique dans la tronche en descendant Esnaur et qu'il faudrait une balise tous les 10 mètres pour s'y retrouver)... et qui est tout sauf facile, donc un beau challenge à relever. Bref, mon tort est d'avoir eu tort de penser que j'avais tort de revenir, tor-dre le cou à la malédiction des tontors. Bon, on y va, je vous raconte pourquoi je n'ai pas eu tort ? Cela commence....eh bien l'an dernier avec un abandon à mi-course de cette ballade de sommets en sommets première leçon de basque : Tontorrez Tontor, ça veut dire de sommet en sommet), qui confirmera définitivement que prendre le départ de 80km/5000D+ avec une entorse mal soignée, même Thor ne peut pas le faire. Que ça soit le tien ou le mien. Et rester sur un échec, point je ne peux. L'an dernier j'ai tordu le cou à la Traversée Nord, cette année, j'ai les collines basques à ré-affronter, avant d'aller chatouiller les tontors savoyards de François Camoin pour la 3ème fois de suite. Donc, les tontors n'ont qu'à bien se tenir, surtout ceux qui sont après Biriatou. C'est donc pour cette raison que nous nous retrouvons à nouveau, avec SuperSuiveuse bien sûr, mais aussi l'assistance logistique de la famille basque (où Thomas fait la course en solo cette année), à Senpe....enfin Saint-Pée pour les non euskaldunak (les "ak" des basques, c'est comme le "s", quand y'en a un à la fin, c'est du pluriel....enfin je crois). A 4h15 du matin, on a vu un peu large pour l'horaire, donc je suis plus ou moins le premier. Enfin, nous sommes car, cette course, on la refait à deux et vous allez voir que ça a son importance. Le place du trinquet d'Ibarron se peuple peu à peu, les petits hommes et femmes verts sont un peu partout au four et au moulin, on a l'impression qu'ils sont 1000 bénévoles au Spuclasterka (je crois que "lasterka" ça veut dire course à pied : en fait le basque, c'est facile : tous les trucs où tu crois que ça veut dire un truc terrible, ça veut dire un machin tout simple). Et puis sympas au possible, y'a pas à tortiller l'histoire de l'accueil basque, c'est pas une légende et ça va se confirmer toute la journée. Enfin, bon, sauf à Miramar (évidemment, c'est de l'espagnol). 16 paragraphes, 4500 caractères, il m'a l'air bien parti ce récit, tiens. Alors, hop, on prend tout de suite le départ avant que je ne perde le lecteur qui en aurait marre que je dise des stupidités que je ne pense pas sur la balle langue basque. Départ-San Inizazio Mendetoa (1 Tontor) Pan! Enfin, non, car on veille, à Senpe, à ne pas déranger les riverains, donc on part en toute discrétion, presque en catimini! Enfin, disons, avec la discrétion de 333 coureurs, quand même. Une discrétion toute basque, toutefois, vu que au bout de 500 mètres, ils nous font péter un feu d'artifice à 200 mètres du village. Donc les riverains non encore réveillés doivent l'être, maintenant. Pour ce qui me concerne, c'est tout simple : j'ai fait un roadbook très très prudent en prenant celui de l'an dernier que j'ai encore ralenti sur la deuxième partie de parcours car j'avais pu expérimenter l'an dernier que la première partie est très exigeante et qu'il vaut mieux être prudent pour la suite, surtout parce que je n'ai pas fait de course aussi longue depuis...la Traversée Nord de l’Échappée Belle, en août. Et que mon entraînement récent a été assez chaotique, les semaines de retraite (nous sommes désormais retraités une semaine sur deux) étant surtout consacrées à de la manutention normande ou du pouponnage (nous sommes désormais grand-parents de la plus belle petite Marie du monde). Bref, c'est un peu saut dans l'inconnu, tout le bazar, mais la motivation est là....et SuperSuiveuse aussi, donc je vais aller au bout. Mais ce sera piano, piano, piano. Objectif 18h22, pas une de plus....et éventuellement une ou deux de moins si affinités. Sur le plan de la météo, la première partie de journée s'annonce très douce, mais un peu de pluie est annoncée pour le début d'après-midi et jusqu'en soirée. On en reparlera. Et donc, sur le plan de la tenue, avec environ 15°C au départ, c'est short+tee-shirt, avec manchettes juste pour pas partir à froid et coupe-vent pour attendre si jamais il y a un peu d'air. Et c'est tout. Mais, comme absolument toujours sur une course, j'ai la veste de pluie dans le sac, de même que buff+gants et gants de plus. Et dans le matos obligatoire il y a une sous-couche plus chaude manches longues. Là aussi, on en reparlera. Dès le départ, je suis vers la queue de peloton. Il n'y a pas de risques de bouchons, mais ce n'est pas ça la motivation : l'an dernier, j'étais parti plutôt au deuxième tiers et voulant à tout prix "tenir" le roadbook, j'avais suivi le rythme de tous en oubliant un peu que je n'ai plus le niveau de 2019. Donc, la sagesse est de mise et le sera tout au long de la course. D'ailleurs, l'objectif, aussi, est de ne pas sortir le roadbook ni de regarder le chrono de la montre (par sécurité elle affiche.....l'altitude, comme je fais toujours en course). Et je me promets dès le départ de ne jamais essayer de savoir où j'en suis par rapport au roadbook, de ne pas regarder autour de moi si le type là-bas devant, ça ne serait pas des fois un M5, de ne pas essayer de rattraper la première couette venue pour gagne une "place de féminine". Ranafout! Nire helburua amaitzea da! Eta gero hori dena. Pour commencer le début, le parcours a changé et nous allons chercher le premier tontor (Zuhalmendi : c'est normal que ça soit un mendi vu que pour avoir un tontor, il faut un - ou une- mendi en dessous, vu que un mendi c’est une montagne) par un chemin différent, un peu plus court. C'est un tontor débonnaire, le tontor du buisson. On l'atteint par de larges chemins où la seule vigilance est de rester concentré sur ma progression en oubliant les autres. Ils vont me permettre de jouer à bien travailler ma course avec bâtons, que j'essaie de travailler depuis quelque temps pour m'efforcer de plus courir sur les sections faciles et roulantes, plates ou montantes. Et donc (ce sera notre passage technique de ce récit), travail du mode "une foulée sur trois" : pied gauche, pied droit, pied gauche avec poussée bâton droit, pied droit, pied gauche, pied droit avec poussée bâton gauche. Le tout en décontraction, sans forcer, mais avec une poussée franche du bâton vers l'arrière, façon ski de fond en alternatif ou marche nordique. Et on recommence à l'envi : poum poum poc, poum poum poc, pour poum poc. Gros avantage, ça occupe l'esprit, ça donne un rythme et, comme la marche avec bâtons (et pas la promenade des bâtons), c'est autant d'énergie économisée au lieu de trimbaler les bâtons à la main (ou sur le sac) 50% du temps. Bref, de poum poum poc en tontor et via le ZuhalMendi (donc la Montagne du Buisson), nous voici donc au San Iniazio Mendatea, le Col de Saint-Ignace (et hop, vous appris un mot basque de plus !) où est le premier ravito et où je retrouve bien sûr Élisabeth et où je sacrifie au rituel de la banane (un ravito sans bout de banane, c'est un ravito raté). 1h06 en entrée, 1h10 en sortie pour 1h27 sur le roadbook. Heureusement que je ne sais pas que j'ai commencé à lui mettre une belle claque, à celui-là. D'un autre côté, en 1h27, j'aurais été 7 minutes derrière le dernier... 297ème sur 320. Mais, tout cela, je ne le sais pas. Et c'est très bien comme ça. San Inizazio Mendetoa - Larrun (1 gros Tontor) Et puis voilà, c'est reparti pour l'ascension de la Rhune. Là, encore plus que l'an dernier, je sais bien où on va : du relativement raide, sans excès, plutôt régulier avec juste une espèce de palier au milieu. Terrain un peu irrégulier de cailloux et de terre, ce n'est pas humide, donc pas glissant. Bref, on enclenche le rythme de montée standard, on fait attention à éviter de partir en mode "z'allez voir qui c'est Raoul", on va garder ça pour plus tard, à condition que Raoul soit toujours pimpant. Rien de bien passionnant à raconter sur cette montée de la Rhune. Le temps est couvert, mais clair. Pas de pluie, pas trop de vent, les manchettes, le buff et le coupe-vent ont rejoint le sac. Ni trop chaud, ni trop froid. Ni trop vite, ni trop lentement, ça doit s'appeler de la gestion. Quelques photos en haut avec ma nouvelle mini-camera qui remplace ma vénérable caméra D4 qui erre toute seule sur les chemins du Prarion. Bon, la lumière est encore assez faible, premier indice que je dois être en avance sur l'an dernier. Ce que confirmera a posteriori le pointage en sortie de ravito (où je refais le plein d'eau et c'est tout) : 2h17 en entrée et 2h22 en sortie (2h37/2h40, donc l'avance est désormais de 20 minutes), 274ème maintenant (+23). Si je le savais, il y aurait de quoi se réjouir. Larrun-Ibardin (1 Tontor) Mais comme je ne le sais pas, je pars dans ma petite bulle, tranquille dans la descente. Elle me semble légèrement modifiée par rapport à l'an dernier, plus civilisée. Moins boueuse aussi, ce qui la rend relativement simple à aborder même si, comme je m'y attends, je laisse filer pas mal de monde, plus à l'aise que moi en descente. La petite surprise me vient de voir débouler...l'ami Rafion, connu sur tous les trails de France et des DOM/TOM. Je ne vais pas vous refaire l'histoire de ma rencontre avec Rafion sur le Vulcain 2014 ou 2015, je vous laisse retrouver cela. Mais on arrive à se voir à peu près une fois par an (en 2022 c'était au GR73) et j'avais vu qu'il était sur cette course. La surprise est surtout qu'il ne me dépasse que maintenant mais, en fait, c'est logique : il est arrivé en retard au départ et, après avoir été passer scrupuleusement sous l'arche, il a démarré avec une petite dizaine de minutes de retard sur le dernier. Je lui annonce qu'il va voir Élisabeth à Ibardin, on discute 1 ou 2 minutes et il file évidemment devant pendant que je continue ma descente prudente. Nous sommes désormais bien espacés de plusieurs dizaines de mètres entre coureurs et je commence à repérer ceux qui ja vais immanquablement croiser de nombreuses fois dans les heures qui viennent : Monsieur et Madame "Tyrosse", Madame Couette, Monsieur Tatouage Jambe Gauche, Le Type au buff basque, les 2 "Pieds Niqués" au tee-shirt bleu/rose, etc. C'est un peu pareil sur toutes les courses : je rattrape en montée, je suis dépassé en descente et on recommence cela pendant des heures. On remonte en direction de la Petite Rhune juste le temps d'avoir un aperçu de la montagne basque en direction de l'Espagne (on est juste sur la frontière) mais, cette année, le parcours coupe sous le sommet de la Petite Rhune, on économise 50 mètres de D+ :-). Mais pour le reste cela ne change pas et je sais que ce que j'ai photographié l'an dernier mentalement sera notre menu de cette année. La descente devient plus raide jusqu'au Col des Contrebandiers (Deskargako Lepoa), qui est l'endroit où on laisse le parcours du maratrail (Gotorlekuen Itzulia : le tour des redoutes, je crois) et où nous repasserons dans l'après-midi entre les ravitos du Col des Abeilles et de Trabenia. On part en fait en descente pour un petit crochet de l'autre côté de la frontière à la Venta Intzolako, juste pour aller rechercher un chemin qui monte très raide pour atteindre le sommet de l'Erentzu. Amusant, quand on regarde la carte de près car ce petit secteur espagnol est en fait du côté français de la ligne de partage des eaux. Et on s'explique alors mieux le nom de Col des Contrebandiers du passage précédent. Il a du en transiter des choses par ces sentiers quand les frontières étaient bien plus consistantes que maintenant. En attendant, il transite des trailers. Justement, je tombe sur un petit paquet de 10 qui m'avaient distancé depuis la descente de la crête (on est redescendus à 160m d'altitude) et je profite du début sur u chemin cimenté pour passer une partie du groupe, puis, à grand renfort de double poussée simultanée des bâtons (il ne manque plus que le double pas des fondeurs), le reste du paquet (Tyrosse, Madame Couette...). Seul "Tatouage Jambe Gauche" résiste bien : il monte bien, le bougre. En tout cas alors que, déjà là, l'an dernier je commençais à avoir la cheville gauche qui couine, là rien ne bouge. Le tendon d'Achille gauche qui n'aime pas trop mes bizarres rotations du pied (conséquence d'une articulation de gros orteil qui a perdu la majorité de son amplitude : Hallux Rigidus, m'a expliqué mon pote Steph, podologue d'une bonne partie des amis trailers), ce tendon ne dit rien pour l'instant. Il aime beaucoup les MT2 Evadict, finalement, et leur drop un peu plus important (c'était notre minute technique). Bref, ça avoine bien sur les 250D+ de ce nouveau Tontor, l'Erentzu, ce qui nous fait en gros trois Tontors, déjà. Un coucou aux pottoka (pour les parisiens : prononcer "potioka" en mouillant un peu le "tio") qui ont disséminé une bonne tonne de crottin sur le sol herbeux du sommet et il ne reste plus qu'à plonger sur le Col d'Ibardin, haut lieu de la vente détaxée de clopes et de gnôle et assez hideux empilement de "ventas" où le français en goguette vient remplir les soutes du car de caisses de Ricard et de cartouches de Marlboro avant d'aller manger tous la même chose à la Venta Peio, la Venta Gora, la Venta Manolo, la Venta Mugica et la dizaine d'autres identiques alignées toutes du côté gauche de la route qui monte au-dessus du col. Berk. Ah oui, n'oublions pas une station-service pour que les gogos puissent remplir le réservoir de la bagnole ou du camping-car vu qu'ils ont fait 50, 100 ou 200 kilomètres pour venir là. Berk berk berk berk. Nous, on est venus (à pied) pour les 3 barnums du ravito, la bonne humeur qui règne sur ce parking entre bénévoles, suiveurs et coureurs. Je n'oublie pas le plein de St-Yorre (au moins 500ml, qu'est-ce que j'ai bu!), la banane réglementaire (voir ci-dessous), bien sûr le coucou à Élisabeth qui attend depuis probablement 1h30 et que je vais voir 5 minutes (le sacerdoce du suiveur). Et, à nouveau, je repars sans m'attarder, cela fait partie du programme que de rester un minimum sur les ravitos. Et donc, contrat respecté : 3h47/3h51 et c'est reparti. Le roadbook disait 4h25/4h40! "On est bien d'accord qu'il a 50 minutes d'avance sur le roadbook", écrit Magali sur le Whatsapp. Élisabeth confirme et je n'en sais toujours rien. Honnêtement, je n'avais quand meme pas l'impression d'avoir autant d'avance : 1/4h tout au plus. J'arrive donc avec -38 minutes et je ressors avec -49. Et 237ème au classement, donc (+37). Le résumé que je donne à Élisabeth : "tout va parfaitement bien, mal nulle part, j'avance bien". Et c'est tout ce qu'il y a de vrai. Ibarin-Biriatu (2 Tontors) Mais je sais que m'attend maintenant la section qui m'avait fait très mal l'an dernier, et avait malmené la pauvre cheville jusqu'à amener l'abandon à mi-course. Il convient donc de rester très humble et prudent. Je sais que c'est une section qui doit me convenir : une première montée de 240D+ au Manddale (Tontor n°1), raide par endroits, une longue descente sur la crête frontière d'abord plutôt facile puis, à partir de l'Azkope, une descente raide et technique jusqu'au fond de la vallée de la Bidasoa, avant une terrible remonté au Faalegi (Tontor n°2) sur 460D+ dont 300 droit dans la pente. Et ensuite, une très longue descente facile sur 6 kilomètres avec enfin presque deux kilomètres de bitume plat sur la fin. Je repars donc en toute prudence d'Ibardin et j'évite même, volontairement, de dépasser dans la montée du Manddale (ou Redoute de la Baïonnette). Montée où on passe en pratique à une cinquantaine de mètres du parcours retour (mais 20km plus loin). Quelques photos en route permettent de ralentir un peu le rythme tout en profitant du temps encore clair. Mais, juste en haut, on sent quelques gouttes qui s'invitent. Rien de méchant, juste une petite bruine, cela rafraîchit. Comment je vais la regretter, elle, dans quelques heures. Là, toujours en simple tee-shirt, c'est juste parfait. En tout cas, Manddale, Tontor n°4, check! La descente sur la Bidasoa est assez technique, mais je la trouve finalement plus facile que l'an dernier. Il faut dire que ne pas avoir de cheville douloureuse et la trouille de la retordre au moindre faux-pas, ça aide. En conséquence, il me semble me rappeler que personne ne me passe dans cette descente de plus en plus raide. On arrive donc finalement sans encombre au fond de la vallée d'où on reprend d'abord un chemin montant assez facile sur presque 2 kilomètres. Échange avec des coureurs rattrapés à cet endroit : gardez-en sous le pied, les gars, car ce qui vient est une tuerie". Et nous voilà rapidement au pied de "ce qui vient" : on laisse brusquement le chemin presque carrossable pour partir droit dans la pente sur la ligne de crête du Faalegi. C'est lui, le cinquième Tontor, cela qui ne va pas manquer de malmener le tendon gauche et les cuisses. Donc, dès le départ, la résolution est prise : rythme soutenu mais régulier, montée en poussée doubles des bâtons, comme je fais toujours au delà d'un certain pourcentage : planté des 2 bâtons environ 50cm devant et au-dessus des pieds, tirer, un pas, deux pas, pouuuusser, trois pas, bâtons devant sur le 4ème, tirer, un, deux , pouuuuusser, trois , quatre et bâtons devant, et cela ad libitum. Repérer le balisage, optimiser les traces et on continue : bâtons, tirer, un, deux, pouuuuuser, trois, bâtons sur le 4ème, tirer, un, deux, etc. Peu à peu un petit groupe se constitue avec "Monsieur Tatouage Jambe Gauche", Monsieur et Madame Tyrosse et quelques autres. Comme l'an dernier, personne ne passe, tout le monde enquille le rythme bubullien : bâtons, tirer, un, deux, pouuuuser, trois, bâtons... Et le tout nous amène sans encombre en haut du 5ème Tontor. Faalegi, check! Quelques supporters dont un monté en VTT (musculaire!) par l'aure côté, et avec une clochette, mettent l'ambiance. Par contre, dans tout cela, le temps se met à changer assez brusquement. Le vent s'est levé et la bruine s'est transformée en pluie. Et quand on débouche en haut, j'ai beau avoir encore assez chaud, je sais que la descente sera longue : même si je n'en suis pas un grand fana, la veste de pluie semble utile. Bien m'en prend car en quelques minutes, la pluie se transforme en averse brusque et tempétueuse avec un vent de Sud-Ouest qui forcit notablement. L'ambiance vient de changer soudain. On baisse la tête, on descend face au vent et on fait bien moins les fiers tout d'un coup. Les sentiers commencent d'ailleurs à avoir des flaques, ça et là. En arrivant au col dont je ne connais pas le nom et où il y a une tente avec de nombreux bénévoles (car le parcours reboucle ici sur lui-même : nous repasserons ici dans 16 kilomètres), ils sont tous groupés.....sous la tente, ce qui m'amuse bien, suffisamment pour faire une photo en les vannant un peu parce qu'ils sont à l'abri pendant que nous nous prenons l'Océan Atlantique dans la figure. En fait, je suis toujours super optimiste. Certes, le Faalegi a un peu sollicité ce tendon d'Achille gauche, mais je me sens fringant pour la longue descente vers Biriatu. Le ravito est à 4 kilomètres (les indications des bénévoles seront toujours très précises et justes). Dans la descente, quasi totalement sur un chemin 4x4 assez facile, qui remonte un petit peu, parfois, la veste de pluie va tomber pendant que la pluie cesse de le faire. Donc je déroule tranquillement, quasiment tout seul, après avoir passé 2 ou 3 coureurs au début. Le terrain vient par contre de changer : de plus en plus mouillé, donc je commence à passer allègrement dans les flaques des mini-torrents qui se sont mis ponctuellement à traverser le chemin. J'ai ressorti la technique de course avec bâtons que je vais garder toute la descente...et sur le plat bitumé (de presque 2 kilomètres) qui la suit : poum poum pic poum poum poc. Et surtout je tiens cela sur toute la partie bitumée avant le village de Biriatu et là, je me doute que courir à 8km/h environ au lieu de marcher (même vite) à 6 ou 7, ça va finir par faire une différence. J'arrive donc à Biriatu avec un moral au beau fixe, un peu de fatigue, bien sûr (36 kilomètres dans les jambes, ça commence à compter). Et donc, déjà 5 Tontors de tontorifiés. Bien sur, je retrouve ma SuperSuiveuse qui attend stoïquement sous la pluie (maintenant, ça commence à s'établir en continu, même si j'arrive en tee-shirt) avec le mini sac d'assistance qui va m'aider à me changer (juste pour le confort). J'y ai prévu un gros arrêt sur le roadbook (20 minutes : je me connais et quand je m'attarde, je m'attarde), ce sera un investissement pour la suite. Je pensais le ravito à l'abri mais il l'est à peine, en fait (cela semble avoir changé depuis l'an dernier), donc il est probable qu'on va raccourcir. Le rituel du ravito est établi : picorage au hasard sur charcuterie, fromage, cacahuètes et bien sûr banane. Mais aussi le bouillon chaud qui est toujours le bienvenu pour le salé. Et je me change aussi assez rapidement pour le tee-shirt et le short. Au final, arrivé en 6h13, j'en ressors en 6h26 (7h30/7h50 sur le roadbook, j'ai donc maintenant 1h24 d'avance!) et en 162ème position (75 places de gagnées, mais probablement une bonne partie grâce aux abandons, le pointage étant effectué en sortie du ravito : 56 coureurs ont arrêté à cet endroit). Clairement, Biriatu est LE juge de paix de cette course. Seulement trois coureurs vont abandonner au delà de ce point (et pourtant...). Et de mon côté, je passe donc ce juge de paix en très bon état. La fatigue est là, bien sur, mais je n'ai pas l'impression d'avoir trop tiré sur la machine et, même si le tendon gauche se fait un peu sentir, il n'y a absolument rien d'inquiétant. Tout cela devrait m'emmener au bout. Biriatu-La Chaîne (2 Tontors) J'entre dans l'inconnu, maintenant. Jusque là, je pouvais me reposer sur la mémoire des parcours et donc doser l'effort en fonction. Là, je ne peux plus que compter sur mes capacités d'imagination à partir d'une carte (bien sûr longuement étudiée à chaque fois, comme toujours) et le petit pense-bête du roadbook. Mais les petites subtilités telles que les sections de plat sournoises qui se cachent parfois entre deux montées et descentes, ou bien encore les "descentes qui n'en sont pas" et toutes autres choses qui transforment parfois un partie attendue "facile" en chemin de croix sans fin. Pour cette section, j'ai mémorisé en gros "ça monte au-dessus de Biriatu et on arrive au Mont du Calvaire je sais plus trop comment, on redescend un peu et on monte le Xoldokogaina pour redescendre ensuite le long du lac et arriver en bas à La Chaîne". Bon, ce n'est pas faux, mais pas tout à fait juste non plus, on va le voir. Je repars très isolé de Biriatu (évidement, les abandons ont aussi cet effet là). On commence par une montée sèche assez raide, mais courte, au-dessus du village. J'entends derrière moi la clochette accroché au guidon du VTT croisé au Faalegi et où le gars suit le parcours de la course, ce qui est un sacré effort vu les pentes. On va en fait plus vite que lui! 2 ou 3 coureurs dépassés sur la partie qui suit, à flanc du Xoldokogaina ("Le Haut Froid" : où on va finir par monter plus tard), rien qu'on arrivant à courir en mode poum-poum-poc, ça paie finalement, et je ne trouve pas cela trop long alors qu'il y a plus de 1,5km comme ça. La veste est retombée : cela me fait perdre un peu de temps à chaque fois, mais j'aime bien être à l'aise et dès qu'il ne pleut pas, j'ai trop chaud. Arrivés en haut d'un petit groupe de maisons, nous piquons droit dans la pente sur le Mont du Calvaire (Kalbarioa), un des plus petits Tontors de la course (moins de 100D+). Il doit y avoir une très belle vue sur la côte, en haut de ce point, mais cela commence à être très bouché (et, surtout, de plus en plus noir et menaçant). La Rhune, au loin, joue avec les nuages, l'ambiance est assez sombre. Et de 6 Tontors! Petite redescente sur un petit col, une nouvelle petite traversée à flanc et on attaque la montée du Xoldo : l'avantage, c'est qu'on voit toute la montée d'en bas : une longue montée pas trop raide sur la ligne de crête pour atteindre le sommet qu'on voit d'assez loin mais qui semble assez loin (on y avoit les silhouettes des coureurs de devant s'y découper). Montée à peu près sans histoires, je ne rattrape plus trop, à part 1 ou 2 coureurs assez nettement mal en point, ce doit être un signe que la fatigue commence à se faire sentir. Surtout, sur les parties les plus raides, le tendon d'Achille gauche commence à avoir du mal. Insensiblement, je pose désormais le pied gauche de travers, la pointe vers l'extérieur, pour compenser (et compenser aussi cet orteil raide). C'est moins efficace, évidemment, et l'allure en montée s'en ressent. Je fais un peu le yo-yo avec quelques coureurs, au fil de mes hésitations "veste ou pas veste", la pluie étant désormais intermittente mais de moins en moins! Et surtout de plus en plus drue quand il se met à pleuvoir. Le Xoldo (Tontor n°7) est suivi d'une première descente sur le col où est située la tente des bénévoles que j'ai vus à l'aller. De façon amusante, j'y passe pile au moment où les serre-file descendent du Faalegi, 16 kilomètres derrière nous. Il reste désormais juste à descendre le long du lac de barrage, puis dans la vallée qui suit, pour atteindre le ravito de La Chaîne. En passant....à 400m à vol d'oiseau du bas de la montée du Xoldo. Élisabeth est bien sûr là, avec notre neveu Julien qui a pris avec sa fille une petite parenthèse dans un samedi chargé pour juste venir me voir passer là. C'est sympa d'avoir la famille dans le coin et cette course est, comme l'an dernier, une bonne occasion de gommer les 700km de distance que nous avons. Le frère de Julien caracole des heures devant moi (Thomas finira la course à la 44ème place). C'est un petit ravito, ici, donc je fais le basique et ne m'attarde à nouveau guère. 8h14 en entrée, 8h20 en sortie, moins que les 10 minutes prévues (je prévois toujours large aux ravitos) pour 9h53/10h03. L'avance (1h43) a donc toujours augmenté, mais moins que précédemment et j'ai reculé au classement (174ème, -12 places) bien que l'impression sur le terrain n'ait pas vraiment été cela (les distances entre coureurs sont maintenant longues et les dépassements rares). "Objectif Col des Abeilles" est ce que j'annonce. La Chaîne-Col des Abeilles (Erleen Lepoa) : 1 Tontor et 1 saloperie de putain de côte de la mort qu'on va aussi appeler Tontor) Deux bosses prévues jusqu'au prochain ravito, uniquement liquide, placé au Col des Abeilles, au croisement de la route d'Ibardin. D'abord l'Oneaga, un vrai bon Tontor bien Tontorien, puis une remontée quasiment au Manddale où on est passés au km 24. L'Oneaga est sans surprises : un peu analogue au Xoldo précédent (en fait, il est juste de l'autre côté du lac) de 300D+. Pas trop de souvenir de ce passage, à vrai dire. Je ne pense pas y avoir fait des étincelles : 30 minutes pour monter 282 D+, ce n'est pas une vitesse d'escargot, mais ce n'est pas non plus bien ébouriffant. Lentement mais sûrement, la fatigue s'est installée et le pas est moins conquérant. Le Tueur de Tontors se transforme en gentil petit pottok. M'enfin, l'un dans l'autre, voilà le Tontor n°8 avalé et nous revoilà après l'avoir redescendu à peu près tout droit (je me souviens de "Jambe Gauche Tatouée" qui est encore par là, m'a mis une belle mine dans cette descente)... de l'autre côté du lac qu'on a longé 6 kilomètres avant. On voit même des coureurs de l'autre côté! On en voit aussi se découper sur le ciel en haut du Xoldo, 9 kilomètres en arrière. Au moins ça me confirme que je suis très loin de l'arrière de la course. Mais cette course est une torture, avec ces boucles et re-boucles..... Nous voilà donc au pied de ce que je sais être une remontée de 250D+ où on va arriver, en haut, à 50 mètres, du parcours de ce matin, presque au Manddale. Donc, pas vraiment un Tontor vu qu'on ne va pas au sommet, mais quand même, dans ma tête, une "bonne côte". Que nenni. Ce n'est pas une "bonne côte". Vous savez, je ne crois pas qu'il y a de bonne ou de mauvaise côte. Moi, si je devais résumer ma course à ce moment, je dirais que c'est d'abord...."une putain de saloperie de chemin tout droit dans la forêt qu'on se demande quel fou dangereux a eu cette idée". D'ailleurs, si on regarde la carte, ça se voit bien : Non mais, les gars, vous n'avez pas vu? Ils ont fait des chemins en lacet qui montent à cette côte. Pas cette espèce de trace toute droite de la mort que, quand tu es en bas, tu vois des petites silhouettes éparpillées façon puzzle, qui s'accrochent à leurs bâtons pour arriver à mettre un pied devant l'autre. Cela donne ça, en vrai : Et mon pied gauche n'aime pas ça du tout. Donc, même si je ne suis pas dépassé, cela se rapproche assez nettement derrière, notamment les deux gars aux tee-shirts "Les Pieds Niqués" que je vois depuis Biriatou ("Jambe Gauche Tatouée" est parti devant, maintenant). 20 minutes pour 250 D+, ce n'est pas si mal, mais assez logique sur une pente pareille (dans les 35% selon mes calculs). La seule satisfaction est de faire la photo inverse de la précédente, en haut : Bref, une bonne tuerie, ce truc-là, soyez prévenus si vous venez une année future. Donc, on va dire que c'est un 9ème tontor même si ce n'est pas un tontor tontoresque vu que ce n'est pas un sommet. Le premier qui proteste, j'en fais du pâté basque. En attendant, on débouche en haut alors que le temps s'est assez nettement dégradé. Je fais une nouvelle remise de veste... ...laquelle va à nouveau tomber dans la descente assez facile vers le Col des Abeilles (sur des chemins 4x4 peu pentus : vous voyez, les gars, qu'on peut faire des chemins normaux!) ou j'essaie de me relancer un peu pour cesser de perdre du terrain (ce qui marche plutôt pas mal). Et, évidemment, juste en dessous du col, ça recommence à dracher bien dru et je la remlets une 2000èe fois. Maintenant, plus question de parler de bruine ou de "pluies éparses". Le pire terme de Météo France, ça, "pluies éparses", ça veut juste dire "des fois ça pleut, des fois ça pleut pas, mais tu sais pas comment ça va pleuvoir quand ça pleut et si ça se trouve t'en prendra plein la tronche quand même". Plein la tronche est le terme au Col des Abeilles. Déjà, les abeilles ne sont pas là. Ma chérie non plus, d'ailleurs : elle n'a pas trouvé de place pour se garer (c'est juste un virage sur la route du col des cars à caisses de Ricard). Bref, un verre de coca et je fonce illico pour rejoindre le ravito de Trabenia un peu plus bas. Col des Abeilles-Trabenia (1 Tontor liquide) Euh, sauf que non. Un coup d’œil sur le roadbook me rappelle qu'on doit encore tontorifier un petit coup. Ce Tontor là, c'est un Mendi, le Ziburu Mendi dont ma grande science des langues me fait penser que ça doit vouloir dire "Montagne de Ciboure" vu que Mendi ça veut dire "montagne" et que Ziburu ça doit être "Ciboure". Je ne suis pas trop sûr que ce soit une bonne nouvelle qu'il faille mendifier au lieu de tontorifier. Déjà, déjà je fais un nouveau swap de veste. "Quel con je fais", me dis-je en voyant que le gars devant qui fait un peu pareil, ne s'enquiquine pas à la remettre dans le sac, mais la noue simplement autour de sa taille. Allez, je vais faire pareil. Bon, y'a juste un défaut : la veste, je ne vais désormais plus l'enlever. Donc, je ne nouerai rien autour de ma taille. C'est plutôt l'estomac qui commence à se nouer en sentant la grosse drache qui commence à nous tomber dessus pendant qu'on contourne le Mendi, puis qu'on entreprend la bien raide ascension dudit Mendi. "T'as vu, on était là-haut, ce matin" m'indique "Gars à la Veste Nouée". Il a raison, on repasse au Col des Contrebandiers, nous voilà désormais sur le parcours retour du marathon. Ascension du Ziburu Mendi, c'est là qu'on voit encore que le Basque est quand même sans imagination quand il trace un sentier qui monte : Bon, le truc c'est que y'a comme une petite brise en haut du Mendi. Enfin, non, on se prend droit dans la tronche un vent de dingue qui vient tout droit du fond du golfe à 10 kilomètres. "Une entrée maritime", qu'ils disent à la météo. Vu les paquets de mer qu'on prend droit dans la figure, ce n'est plus une entrée, là, c'est un raz de marée. Les drapeaux plantés au tontor du mendi sont quasiment à l'horizontale. En fait tout est à l'horizontale : les drapeaux, la pluie, les coureurs. Enfin, LE coureur : moi. Tout seul. Veste Nouée est parti devant, il est peut-être 50 mètres devant mais je ne le vois pas. Ziburu, 10ème Tontor, tout le monde descend! Enfin, essaie de descendre. Déjà, le truc marrant, c'est que dans les montées, les chemins basques vont tout droit, mais en descente, ils font des lacets. On pourrait se dire que c'est bien, mais en fait, c'est bof. Vu comme vient le vent (flèche bleue), eh bien dans un sens tu prends la marée dans la figure et tu n'avances pas. Dans l'autre, il y a comme une main géante qui te pousse en avant, avec le seul avantage de prendre les vagues dans le dos. La constante, en fait, c'est le ruisseau. En environ 15 minutes, les chemins caillouteux sont devenus des ruisseaux. Le terre ferme s'est transformée en une bouillie argileuse collante et le tout est devenu une patinoire. Le moindre appui est aléatoire. J'aime pas ça du tout du tout du tout quand c'est glissant, j'aime mieux quand c'est un tout petit peu plus moins glissant. C'est donc parti pour la gloire sur la patinoire, dans des trombes d'eau. Les Schmerbers ont déclaré forfait depuis longtemps. La vaillante veste D4 fait son travail comme elle peut avec les petits Schmerbers qu'il lui reste. On ne peut pas dire, elle donne de sa personne. Et je ne vais pas vous faire un suspense, mais ça va être comme ça jusqu'à la fin, maintenant. C'est dans cette ambiance de fin du monde que j'arrive à Trabenia. Trabenia et son petit pont sur le ruisseau avec juste Élisabeth de l'autre côté de l'eau. Je traverse sur le petit pont, j'ai encore une certaine dignité humaine (ça ne va pas durer). Tiens, elle a un parapluie, c'est déjà ça. Le petit parking du ravito est assez glauque. Certains se changent dans la voiture de leur suiveurs, il y a de l'eau partout : en haut, en bas, sur les côtés. Le ravito est un peu ouvert aux 4 vents, je doute quand même de passer les 20 minutes prévues. Bouillon, bouillon, bouillon, c'est majoritairement le menu du moment. Objectif : se ravitailler bien car je sais d'avance que, par un temps pareil, je vais totalement oublier de le faire en route. Arrivé en 11h01, je repars en 11h10 (13h07/13h22 sur le roadbook : 2h12 d'avance !). Je suis 167ème en sortie (7 places de gagnées, encore, quand même). Et là, je sais qu'on part vers la gloire.... Trabenia-San Iniazio Mendetoa (1 Tontor) Un seul Tontor sur la route, mais quel Tontor! Miramar, le sommet qui n'est sur aucune carte. En fait; c'est un belvédère sur un large sommet appelé l'Ihizelai. Cela, aucune idée de ce que ça veut dire, en tout cas, ça ne veut pas dire "regarder la mer"...ce qui est une bonne idée, vu que la mer, là-haut, on ne va pas la regarder, on va la boire. Je repars en mode escargot. Il faut gérer, je commence à avoir bien mal partout, surtout à ce tendon gauche. Heureusement (si on peut dire car ce n'est pas ce que je me dis sur le coup), on monte par le GR au lieu de monter par un sentier de pottoka direct (le sentier que les locaux appellent "le chemin de Miramar", avec des trémolos dans la voix, je suppose). Et donc, même lentement, j'arrive à tenir un rythme décent.....mais pas assez pour distancer une fille qui me dépasse assez vite (bon, mon honneur est sauf, c'est une M2). Cette montée est simple : on monte sous les rochers, en traversée. C'est régulier, pas horriblement compliqué. Cela serait une montée assez tranquille, si le type qui m'envoie des seaux d'eau dans le dos voulait bien s'arrêter d'en envoyer un par seconde. Surtout qu'évidemment, plus on monte, plus on se rapproche du col situé entre l'éperon rocheux de Miramar et la Rhune et plus, comme sur tous les cols, ça souffle fort. Saupoudrez le tout d'un bon brouillard et vous aurez un aperçu assez réaliste de l'ambiance festive de cette fin de montée. Là, je dois dire que je scrute l'altitude de la montre avec une grande régularité, non pas pour calculer la hauteur de chaque pas, mais plutôt pour savoir quand est-ce que c'est fini cette montée jusqu'à, je crois, 562m d'altitude. "Je crois" car, le roadbook, je l'ai sorti pour vérifier (pauvre fou) et le joli profil légèrement dentelé de la succession des tontors, avec ses élégantes nuances de marron et d'orange, s'est transformé en une bouillie naranjo-maronnasse où on distingue encore vaguement que ce qui est sur le papier est le profil en long d'une course et pas un cachalot. Mais c'est tout juste. Donc, vivement que ça s'arrête de monter pour que ça descende (le leitmotiv du trailer en fin de course, ça). Ha bé non. Mauvaise idée. Cela s'arrête effectivement de monter (donc, Tontor n°11, check, même si on est plus sur un lepoa que sur un tontor) mais on commence par faire 90° à gauche...sur 200 mètres. On se met donc à prendre les seaux d'eau sur la joue gauche (ça explique que je n'aie aucune photo du type qui jouait à lancer les seaux). Et 200 mètres plus loin...on tourne encore de 90° à gauche. Si vous avez bien suivi vos cours de géométrie, vous en aurez déduit qu'on a donc désormais en gros le vent dans le pif. Et donc aussi la lance d'incendie des suhiltzaileak (le contexte va vous aider à traduire) en pleine poire. Le tout sur un agréable revêtement qui hésite entre la patinoire et la piste de ski. En fait, j'ai l'impression de me retrouver à la Swisspeaks 2017, en haut de Susanfe : même cause, mêmes effets. Tu passes un col avec le vent et la pluie, tu crois que ça va être mieux dans la descente et, non, c'est pire. Plus moyen d'avancer, le moindre dévers de 3 millimètres augmente la probabilité de gamelle de 200%. Ce que j'expérimente assez rapidement au bout de 2 ou 3 minutes en m'étalant lamentablement ce qui me vaut deux magnifiques mains noires de boue. En parlant de mains, j'ai fait la bêtise de ne pas mettre les gants (qui sont certes détrempés dans la poche du sac) ni les gants de pluie (qui sont, eux, secs, mais loin dans le sac). Et ça, c'est une grosse bêtise. Car, bien qu'il ne fasse pas froid, la pluie commence allègrement à me geler les doigts qui commencent à être tout blancs. Mais, tellement obnubilés par mes tentatives pour simplement avancer plutôt que reculer, je n'y fais même pas attention...encore. Et je vais donc ainsi mettre 25 minutes (et 2 gamelles) pour les 2 kilomètres de descente sous Miramar alors que c'est manifestement une descente facile. Le petit coup de cul qui suit (qui n'est même pas un tontor de plus) n'est guère mieux alors qu'en fait je sens que les jambes sont encore là et que ça pourrait aller plus vite. C'est en fait le seul endroit où je serai plus lent que le roadbook. Et la traversée, puis la descente vers le Col de Saint-Ignace ne valent guère mieux. Un coureur qui me suit pendant un petit moment sur un sentier très étroit bordé de buissons très piquants me dit bien "non non, t'inquiète pas, je suis tranquillement"....mais dès que je le laisse quand même passer, il me laisse sur place. En résumé, je suis tétanisé...et pendant ce temps, les doigts continuent à blanchir et même devenir carrément bleus aux extrémités. Mon dernier instant de lucidité sur le chemin descendant, va être d'aller repêcher les gants détrempés dans le sac, et prendre 3 bonnes minutes pour les enfiler avant d'arriver au ravito, histoire d'éviter qu’Élisabeth ne voie le spectacle. Cela s'avérera salvateur car, non seulement le problème n'est plus visible, mais ces doigts, quoique trempés, vont peu à peu se réchauffer après le ravito. Ravito auquel j'arrive finalement dans un état totalement lamentable, un espèce de flaque ambulante qui tremble de partout dès que je m'arrête. Une seule envie : repartir et en finir. Mais dans un dernier instant de lucidité, je pense au TS manches longues qui est dans le cas (matériel obligatoire) et qui est, lui, au sec dans un sac congélation. Il faut par contre prendre sur soi pour retirer la veste de pluie détrempée et le tee-shirt qui est dessous et, un peu comme un bébé avec l'aide d'Elisabeth, enfiler ce Raidlight salvateur qui est très ajusté à mon corps d'athlète..... Athlète fort décati à cet instant, il faut bien le dire. Le tout prend une bonne douzaine de minutes mais le temps, à ce moment là, n'est toujours pas plus la priorité qu'il ne l'a été jusque là. Je n'ai toujours pas regardé la montre, je sais juste que je dois être en avance car il fait encore jour. Mais, dernière action avant de repartir au combat, je sors la frontale, même si elle n'est pas encore nécessaire, cela m'évitera des manips supplémentaires en pleine pampa entre les tontors. Allez, même si à l'instant d'alors je m'en contrefiche, les données chiffrées : arrivé en 13h10, je repars en 13h22 (15h26/15h36 sur le roadbook, donc 2h14 d'avance...j'ai donc avancé à la vitesse du roadbook : vu la vitesse d'escargot, il était quand même TRÈS pessimiste!). Et, pour la petite histoire aussi, je ressors en 178ème place (-11 places) San Iniazio Mendetoa-Arayoa (2 tontors) C'est parti pour la section finale. Je repars un peu sans trop avoir une idée précise de ce qu'il reste. Je sais que le parcours fait un grand crochet vers l'Ouest, qu'il doit y avoir encore 3 tontors sur la route au moins, dont un (Esnaur) est, paraît-il un vrai mur. Je me fais la promesse d'essayer de ne pas tout marcher car cela va être looooong, sinon. Mentalement, je me donne quand même 3 heures (ce qui fait un royal 4km/h). Mais, de toute façon, le but est atteint : je vais finir et je sais bien que, sur l'ensemble, je fais une très belle course. Déjà, je repars bien plus confortable que je suis arrivé : le TS Raidlight m'a sauvé la mise. TOUJOURS avoir une couche de secours dans le sac, qu'elle soit obligatoire ou non. TOUJOURS avoir des gants ET PENSER A LES UTILISER. En réalité, on commence par remonter sur un premier petit tontor facile (le 11ème, donc). Sur l'IGN, il y a écrit "Legureko Borda", ce qui semble vouloir dire "Planche de loisirs". Donc, en fait, soit les basques on un sens de l'humour assez particulier, soit la traduction de Google Translate a quelques failles. Mon amour de la précision étant ce qu'il est, j'ai quand même fait quelques recherches et une "borda" c'est a priori une ferme ou une étable, tout simplement. C'est peut-être l'étable de M. Legur, allez savoir. Mais une chose est sûre, ce n'est pas l'Esnaur...et de toute façon, je ne la vois pas. Tontor n°12, quand même, non mais !J'avance, j'avance. Si c'est plat, je cours en poum-poum-poc. Si ça descend pas trop, j'essaie de courir en évitant de m'étaler, si ça monte je marche, si ça monte beaucoup, je marche avec le pied gauche de travers. Bref, A-VAN-CER. Une petite redescente pendant que la lumière finit de baisser et nous voilà à l'Esnaur. Ah, pour du tontor, c'est du beau tontor, celui-là : J'aime bien cette capacité basque à tracer les sentiers de manière totalement perpendiculaire aux courbes de niveau, quand même. Et surtout, cette idée saugrenue d'avoir fait un chemin qui va vers l'Ouest donc (vous l'aviez oublié, lui ?) en plein vent de face. En haut, c'est à nouveau l'apocalypse, mais pour changer, c'est l'apocalypse dans le noir. Des seaux d'eau dans la figure, le vent tout autant et tout noir autour. Deux grands drapeaux "flamme" marquent ce 13ème tontor, on se demande comment ils tiennent. Vu que, quand même, à peu près un drapeau de balisage sur 2 seulement a survécu, la navigation requiert un peu d'attention. Surtout, évidemment en descente et surtout que celle-là, elle, est droit dedans. Plus que délicate, cette descente, surtout qu'à un moment, suivant les drapeaux que je vois, je m'engage en fait sur une petite variante que fait le parcours du 21km. Fort heureusement, les 4 frontales qui me suivent voient, eux, un de "nos" drapeaux en contrebas et s'y dirigent....donc je reviens assez vite sur le bon chemin. Le tout, bien sûr, en continuant à faire du patinage artistique dans les ruisseaux. Car, je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais il pleut. Je t'en foutrais, moi, des "pluies éparses"! Je me dis que le ravito doit être au bas de cette descente, mais absolument pas....nous voilà repartis...à remonter sur un chemin de 4x4 où jai entendu un quad passer. Je n'ai plus aucune idée du sens dans lequel nous allons, on ne cesse de tourner d'un côté ou de l'autre, parfois de voir des frontales au loin.....mais d'aller complètement à l'envers de leur direction. Et soudain, au détour d'un virage du chemin, paf, ravito. Il est situé en fait à la "Martinhaurrenborda", donc la ferme de Martin Haurren, je suppose. Je ne demande pas qui est Martin Haurren à tous les bénévoles qui sont là (il doit y en avoir plus que de coureurs entre ici et l'arrivée) et je dois dire que je file sans trop m'attarder. Restons anecdotiques : je suis 182ème. Encore 4 places de "perdues".... Arayoa-Etorrera (2 tontors) Personne n'arrive pendant que je suis au ravito, je repars tout aussi seul en direction....du 14ème tontor! Je n'ai guère de souvenir de cette montée, assez courte du Bizkartzun, je me rappelle juste qu'il est en fait tout prêt des lumières du village en dessous (Ascain) et....qu'on repart complètement à l'envers ensuite. Une redescente dont je n'ai aucun souvenir dans la vallée d'un ruisseau, vallée qu'on se met ensuite à remonter. Un groupe de 5 coureurs m'a rattrapé par là. En fait, Élisabeth me dire ensuite que beaucoup de coureurs avaient tendance à se regrouper pour repartir de Saint-Ignace, ce qui doit expliquer ces "paquets" que je vois passer. Ils seront enfin les derniers à me dépasser, il me semble. J'essaie même de les suivre un peu, mais leur rythme en légère montée est meilleur que le mien. Le chemin...enfin, le ruisseau, est assez tourmenté. En fait certainement très joli, roulant et agréable, donc plutôt facile, s'il n'était pas totalement détrempé, voire parfois envahi de profondes flaques. Dans lesquelles nous passons tous allègrement tout droit car on en est au point où plus rien n'a d'importance. Cela tombe bien car le sentier traverse 3 fois le ruisseau du fond de cette vallée. Et que le ruisseau est devenu un gros torrent marron (pour autant qu'on puisse le voir sous cette drache). Il n'y a aucune autre solution que traverser droit dedans dans 20 à 30 centimètres d'eau. Cela fait un peu loin pour un futur Raid 28, dommage, il y a du potentiel. On retrouve enfin en sortant de cette vallée des chemins agricoles carrossables ce qui, incidemment, signifie que le terrain est plus praticable. Le tout légèrement montant nous amène par quelques détours à la Croix de Sainte-Barbe qui est bien, je ne le sais pas encore, le Dernier Tontor, le 15ème. The Ultimate Tontor, le Tontor de tous les Tontors, le Tontor libérateur. Je dois le sentir car je me remets à courir sur ce terrain plus civilisé : j'ai l'impression de reconnaître les chemins du départ car je crois me rappeler qu'il y a une partie que l'on fait dans les 2 sens. C'est en fait complètement faux (sauf le dernier kilomètre), mais j'entends aussi enfin le speaker de l'arrivée. Donc, ça y est, c'est vraiment la fin, et comme toujours je n'attends franchement plus que ça. Les 5 gars auront bien été les derniers à me dépasser. Poum-Poum-Poc, Poum-Poum-Poc en descente...sur le palt...et même le faux-plat montant de l'arrivée (il faut quand même finir en courant!) et le "mais c'est mon bubulle" d'Elisabeth, qui repère paraît-il mon style de course particulier (moi qui le croyais aérien, quelle déception). Et voilà, nous passons enfin a ligne d'arrivée ensemble. Je ne m'écroule même pas au bout de ma vie, il y avait encore physiquement de quoi faire quelques tontors de plus (mais, curieusement, je ne réclame rien). Et il pleut toujours évidemment comme pottok qui pisse, pou ne rien regretter. Petit coup d’œil au tableau d'arrivée : je finis 189ème (encore -7!) et 5ème master 5 (mais je suis sur le podium des masters 5 non basques, si, si). Et le tout en 16h08 alors que je pensais mettre 18h22! Le roadbook était donc totalement faux, alors? Eh bien, pas totalement : il était parfaitement juste pour les 12 derniers kilomètres, à la minute près. On a les satisfactions qu'on peut...:-) Mon tort....n'était donc pas de m'inscrire à cette course, au contraire. Sa grande régularité me rassure sur le fait de pouvoir encore continuer à profiter largement de ces ultras. Il y a encore des défis à relever : les Citadelles, le mois prochain, pour commencer, avec l'objectif de faire à peu près aussi bien (60% de la vitesse du vainqueur, chose que je n'avais pas réalisé sur une course analogue depuis 2019 et le MIUT. Et surtout le Beaufortain qui est un bien plus gros challenge à relever. Et lui, je crois que la tempête basque m'y aura bien préparé : François, j'arrive !